L’un des ressorts les plus efficaces de l’art de la propagande consiste à récupérer au profit de ses positions n’importe quel événement, même si en réalité il conforterait plus facilement les positions opposées. Directeur de la rédaction et de la publication de Libération, Dov Alfon en a donné un magnifique exemple sur France Inter.

Le 7 janvier 2023, à Memphis, un jeune homme noir de 29 ans, Tyre Nichols, est mort des suites d’un passage à tabac par des policiers. La vidéo de cette scène atroce a été mise en ligne le 28 janvier. Cette tragédie fait écho à la mort de Gorge Floyd : noir lui aussi, il a été tué le 25 mai 2020 par un policier, Derek Chauvin. Avec une différence importante toutefois : Derek Chauvin est blanc, les cinq policiers qui ont tabassé Tyre Nichols sont noirs.

Se pose alors la question de la place du racisme dans l’un et l’autre de ces drames.

La mort de George Floyd a donné lieu à de nombreuses réactions aux Etat-Unis mais aussi en Europe, qui dénonçaient principalement le racisme anti-noir. Le mouvement Black Lives Matter était très présent dans ces manifestations et sa visibilité a augmenté considérablement à cette occasion 

Mais certains avaient considéré que le racisme n’était pas la principale raison de la mort de George Floyd. Statistiques à l’appui, ils affirmaient que les actes violents de la part de la Police n’étaient pas spécifiquement dirigés contre les noirs et qu’un délinquant blanc avait en fait plus de risque d’être tué par la police qu’un délinquant noir. Pour eux il fallait donc parler de violence policière plus que de violence raciste.

Dans cette interrogation entre violence policière et violence raciste, où faut-il placer le curseur s’agissant de la mort de Tyre Nichols ?

Le fait que tous les policiers inculpés dans cette affaire soient noirs semble indiquer qu’il s’agit de violence policière plutôt que de violence raciste. Disons au moins qu’il semble difficile de ranger directement ce drame dans la case « crime raciste » sans une solide argumentation.

Et pourtant sur France Inter, le lundi 30 janvier à 7h20, Dov Alfon va le faire. Sans aucunement argumenter sa position il va orienter toute sa chronique consacrée à cette affaire autour du racisme. Dans un premier temps il décrit les faits, la diffusion de la vidéo, évoque l’inculpation des policiers et les premières réactions aux Etats-Unis. Puis, sans même avoir pris la peine de prononcer le mot de racisme, il cite Black Lives Matter et Martin Luther King : « Qu’est ce qui pourrait expliquer cet acte dix ans après la création de Black Lives Matter ? Tant d’efforts avaient été faits à Memphis, ville où a été assassiné Martin Luther King. » 

Avec ces deux références le décor est planté, nous sommes bien devant un crime raciste. Dov Alfon apporte alors l’information que « Les 5 suspects sont tous noirs eux aussi. » Va-t-il alors suggérer que nous pourrions avoir affaire à de la pure violence policière, sans spécificité raciste ? Non, il fait le contraire et continue ainsi sa phrase « Preuve des méfaits du racisme systémique de la société américaine ». 

Sa vision de cet événement, ou au moins la vision qu’il veut en donner aux auditeurs, n’est pas que des policiers noirs ont tué un homme noir, c’est pourquoi il ne parle pas de violence policière. Il préfère dire que le coupable est le système, la société américaine, et donc le racisme systémique qui selon lui la caractérise.

Pourquoi le fait que de policiers noirs tuent un jeune homme noir est-il une preuve du racisme systémique de la société américaine ? Nous ne le saurons pas. On pourrait tenter de le démontrer, ou d’argumenter dans ce sens. Mais Dov Alfon ne le fait pas. Il se contente d’affirmer que cet aspect du drame vient à l’appui de sa vision, de ses positions. Pour lui cela fait partie de ces évidences qui ne méritent pas de démonstration.

Directeur de la publication et de la rédaction de Libération, Dov Alfon fait partie de ces gens capables de récupérer au profit de leurs théories des faits qui en réalité ne vont pas dans leur sens. Disons le c’est de la bonne propagande.

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