Le Haut Comité à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) a publié un rapport sur le sexisme qui aborde le problème à travers plusieurs thèmes. L’un des plus caricaturaux est intitulé : « L’Histoire : une invisibilisation des femmes des programmes scolaires et des politiques mémorielles. »
Avant de regarder de près ce qui est dit à cette occasion, je me permets un petit rappel sur l’histoire de l’humanité. Il se trouve que dans notre civilisation (ainsi que dans presque toutes les autres) le rôle de la femme et celui de l’homme ont pendant des siècles été fort différents. Pourquoi en fut-il ainsi ? Etait-ce utile ? Etait-ce nécessaire ? Etait-il possible de faire autrement ? Je ne sais pas répondre à ces questions. Mais pour m’intéresser un peu à l’histoire je peux avancer les affirmations suivantes.
On ne compte aucune femme parmi les Papes.
Les Reines de France n’ont jamais été que les épouses des Rois, une tradition muée en loi leur interdisant de régner en tant que souveraine (même si des cas de régence ont pu être observés).
Aucun marin des expéditions de Christophe Colomb de Magellan ni plus généralement de toutes celles qui ont mené aux Grandes Découvertes n’était une femme. Par conséquent aucune femme n’est à l’origine de la découverte d’un continent ou d’une voie maritime.
L’immense majorité des généraux, officiers, sous-officiers et militaires du rang de nos armées, du Moyen-Age à nos jours, étaient des hommes. Ce pourquoi, à de rares exceptions près, les hauts faits d’arme, les bataille victorieuses et les campagnes prestigieuses, sont masculins. Ce pourquoi aussi aucun des Maréchaux de Napoléon n’était une femme.
Du fait d’inégalités profondes dans l’accès à la culture et aux études, les scientifiques, les philosophes et les artistes les plus célèbres à travers l’Histoire sont majoritairement des hommes.
C’est ainsi.
On peut le regretter mais c’est ainsi.
C’est ainsi, et c’est donc ce que racontent nos livres d’Histoire. Lorsqu’ils parlent des Grandes Découvertes ils mentionnent des hommes. Quand ils évoquent nos souverains, nos généraux, nos scientifiques, nos philosophes, nos artistes, ils mentionnent principalement des hommes. Ils ne font que refléter ce que fut la réalité.

Victor Hugo passe encore mais pour les autres, on n’aurait pas pu trouver un général d’armée qui soit une femme ?
C’est aussi ce que font nos monuments et les noms de nos rues. Lorsqu’ils évoquent un personnage célèbre il s’agit le plus souvent d’un homme. Je ne citerai comme exemple que les fameux boulevards des Maréchaux qui font le tour de Paris : ils ne portent que des noms d’hommes.
Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes ne peut pas rester indifférent à un tel scandale.
Commençant par les programmes scolaires il regrette ainsi que « le monde que donne à voir les manuels scolaires est un monde conjugué au masculin ». Ce constat étant étayé par l’affirmation suivante : un observateur qui étudierait ces manuels découvrirait une société française « dans laquelle plus de 90% des citoyens et des citoyennes seraient des hommes. Les grandes découvertes, l’art, la philosophie, les mathématiques seraient des domaines réservés aux garçons. On apprendrait que des métiers sont dédiés aux femmes, ou que les femmes sont avant tout des « femmes de … » avant d’être des femmes à part entière. »
La vérité est évidemment différente. Les manuels ne décrivent pas un monde où les activités citées « seraient » des domaines réservés aux garçons. Ils décrivent un monde où ces activités « étaient » des domaines réservés aux garçons. Ces mêmes manuels n’enseignent pas que des métiers « sont dédiés » aux femmes. Ils enseignent que des métiers « étaient dédiés » aux femmes. Selon ce rapport les manuels scolaires enseignent aux enfants une vision sexiste du monde alors qu’ils ne font que raconter un monde passé où les femmes et les hommes n’avaient pas la même place.
Le procès en sexisme qui est fait aux manuels d’Histoire par le HCE est évidemment un mauvais procès. Ou alors faut-il regretter qu’en enseignant l’antiquité on apprenne aux enfants qu’il est légitime de réduire en esclavage des populations entières ? Qu’en leur enseignant le Moyen-Age on leur présente comme une norme acceptable la toute puissance d’une classe sur les autres ? A l’évidence, non. De même, en leur montrant un monde où l’inégalité hommes-femmes fut la règle, on ne leur enseigne pas que ce doit être la règle. Dire le contraire c’est trouver une occasion particulièrement inappropriée de crier au sexisme.
Le rapport évoque ensuite les politiques mémorielles pour ressasser les mêmes regrets : les noms de rues, les personnages inhumés au Panthéon ou ceux qui font l’objet de commémorations, sont majoritairement des hommes. Là encore ce n’est que le reflet de la réalité historique, qui a conduit trop peu de femmes sur le devant de la scène. On peut le regretter mais faut-il le nier ? Faut-il le dissimuler ?
Une précision : les auteures de ce rapport (rappelons qu’il ne s’agit que de femmes) ne donnent aucun exemple de femmes dont le rôle aurait été artificiellement minoré dans tel ou tel domaine (une découverte ou un progrès scientifique par exemple) au profit d’un homme. Il en existe pourtant sans doute, et une étude un peu sérieuse sur ce point aurait été probablement très instructive. Nos auteures se contentent plus benoitement de déplorer le faible pourcentage de femmes mentionnées dans les manuels scolaires ou sur les plaques de rues.
Elles s’insurgent aussi contre l’étymologie. Evoquant la sous-représentation des femmes dans les dispositifs de valorisation du patrimoine, elles écrivent que « Le terme « patrimoine » est d’ailleurs extrêmement éloquent à cet égard ». En l’absence de plus de précisions on peut supposer qu’elles font référence à l’origine du mot, qui désignait initialement l’ensemble des biens et des droits hérités du père. Là encore, c’est l’histoire qui se répète, et le fait qu’au Moyen-Age les biens et les droits se transmettaient prioritairement du père vers le fils. Ce mot est donc, comme beaucoup d’autres, simplement significatif du monde dans lequel il est apparu, aucunement du monde présent.
Ce « extrêmement éloquent » donne à l’étymologie d’un mot un pouvoir qu’elle n’a pas. Ce n’est pas parce que le mot « patrimoine » se réfère étymologiquement au père et non pas à la mère que le concept de patrimoine est intrinsèquement sexiste. Là encore acceptons l’histoire et l’étymologie pour ce qu’elles sont, ne prétendons pas qu’elles imposent au monde d’aujourd’hui les valeurs des siècles qu’elles ont traversés.
Le HCE déplore donc la sous-représentation des femmes dans l’Histoire et sur les monuments. Quelle est la solution pour remédier à cet état de fait ? Réécrire l’histoire ? Imposer des quotas de femmes dans les manuels scolaires même pour les périodes où elles étaient majoritairement confinées à l’anonymat ?
Evidemment non. La solution est déjà à l’œuvre, elle consiste à donner aux femmes les mêmes possibilités qu’aux hommes afin de leur permettre de produire des œuvres qui prouvent leurs talents.
Malheureusement ce rapport en est un mauvais exemple.
(voir aussi nos précédents billets sur ce rapport, ici et là).
A quand une vraie égalité homme – femme
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