La manière dont les journalistes de TF1 ont réagi aux déclarations d’Emmanuel Macron (31 mars 20h) est un concentré de ridicule et de manipulation.
Dès la fin de l’allocution du Président ils analysent rapidement ses principales annonces et sont même prêts à nous montrer une infographie pour nous expliquer l’enchaînement des semaines de fermeture des écoles et des semaines de vacances.
Puis viennent ces micro-trottoirs, qui sont la plaie de nos journaux d’information. Nous l’avons déjà évoqué ici, ce ne sont pas seulement des moments creux, où les journalistes tombent dans la paresse et où aucune information réelle ne nous est donnée. Ce sont aussi parfois des séquences de pure manipulation : l’opinion d’un quidam absolu est livrée à des millions de téléspectateurs comme illustrative d’une tendance, sans aucune remise en question.
Lorsqu’un responsable politique ou syndical s’exprime son orientation nous est connue et cela vient relativiser son propos : qu’un représentant de la majorité loue les décisions gouvernementales ou qu’un opposant les critique, nous les écoutons avec une oreille avertie. Nous n’avons pas la même prévenance s’agissant d’un aimable grand-père en bord de mer ou d’une mère de famille avec sa poussette. Leur opinion nous semble plus objective, dénuée de préjugés. En outre leurs propos ne font l’objet d’aucune question alors que les opinions des invités en plateau sont toujours remises en cause, interrogées par les journalistes.
Cela renforce l’impact que l’avis de ces inconnus aura sur la vision que le téléspectateur se fera de la situation. Impact réel et qui donne toute son importance au choix de la personne interrogée.
Si elle nous dit « Ca fait un an qu’on ne vit plus, je vais continuer à faire la fête » ou si au contraire elle affirme « Je crois qu’il faut faire un effort pour se débarrasser de ce virus », l’image qui s’imprimera inconsciemment dans l’esprit du téléspectateur sera celle d’une désobéissance générale annoncée ou au contraire d’un respect global des consignes.
La sélection de la personne interrogée est donc un acte qui est loin d’être innocent. Le cas présent pose en outre une question spécifique puisque cette déferlante de passants intervient quelques minutes après l’annonce des mesures sur lesquelles ils réagissent. Visiblement nous ne sommes pas en direct, ces précieuses interventions ont été enregistrées. Mais par quel miracle ? Les journalistes ont-ils sauté sur ces gens au fur et à mesure qu’Emmanuel Macron annonçait les décisions ? Ou bien ont-ils enregistré au préalable leurs réactions face aux différentes décisions envisageables ?
La manipulation devient évidente avec cette petite fille que l’on voit faire sa valise. Elle part chez ses grands-parents et elle prépare ses affaires avec sa maman.
Pour croire que nous avons là du vécu, une sorte de télé-réalité, il faut croire que le journaliste avait prévu d’interviewer cette famille et que justement ces gens-là sont du genre à se précipiter sur les valises dès la fin de l’intervention de Macron pour vite préparer le voyage. Rappelons que nous sommes mercredi soir, je ne crois pas que la petite fille va partir le soir même ou le lendemain matin. Tout cela est donc joué et nous sommes pourtant invités à croire que c’est du vécu. Cette mise en scène relève du mensonge.
Mais le plus beau est à venir. Un journaliste a été positionné aux abords de la Gare Montparnasse. On l’interroge : que se passe-t-il ? Tout en maîtrise il répond : « Pour l’instant tout est calme ».
Que veut-on nous faire croire ? Etait-il envisageable que, vingt minutes à peine après les annonces, le parvis de la gare soit envahi par les habitants des arrondissements alentours qui auraient préparé leurs valises en tout hâte et se seraient précipités pour sauter dans le premier train venu avant qu’il soit trop tard ? Etait-il imaginable que le reporter dépêché sur place ait assisté à des départs massifs de parisiens cédant ainsi à la panique ? Les journalistes n’ont rien à nous montrer mais ils nous invitent à imaginer que des scènes spectaculaires auraient pu se produire. Auraient pu ou peuvent encore se produire, car le reporter précise bien « Pour l’instant ». Il ne préjuge pas de mouvements de foule qui pourraient intervenir plus tard dans la soirée. Tout peut encore arriver, même si le journaliste nous dit que « Pour l’instant tout est calme », avec un flegme que seules peuvent expliquer des années de reportages au plus près du sensationnel, comme ce soir.
Bref, il n’y a rien à montrer mais nous sommes passés tout près d’un événement exceptionnel et TF1 était là.