Vous voulez rendre légitimes les réflexions sur la vaccination de 35 individus tirés au sort ? Parlez de Collectif Citoyen sur la Vaccination, personne ne viendra le critiquer. Le concept est évidemment grotesque, qui appelle 35 personnes absolument quelconques à se prononcer sur un problème qui est un défi pour les spécialistes, mais personne n’ose s’élever contre un organisme qualifié de « citoyen ».
Ces 35 français ont été choisis par un tirage au sort dont le seul objectif était de respecter les règles de la représentativité. Le site dédié à cette noble entreprise (si le mot « noble » peut être utilisé dans la même phrase que « citoyen ») nous apprend en effet que « Toutes les régions, dont l’Outre-mer, y sont représentées, ainsi que toutes les tranches d’âge (de 18 à plus de 65 ans), toutes les catégories socio-professionnelles, tous les types d’habitats (territoires ruraux, villes plus ou moins peuplées) et tous les niveaux d’étude (sans diplôme, CAP ou BEP, baccalauréat, Bac +2, Bac +3). »
On ne nous dit pas si cette représentativité implique que figure parmi ces 35 personnes une proportion judicieuse de chauffards, de fraudeurs fiscaux ou de violeurs d’enfants. Il y en a peut-être, en tout cas rien n’a été fait pour l’éviter.
Si ce groupuscule avait été baptisé « Collectif d’Individus » on pourrait y soupçonner la présence d’individus peu recommandables. Le plus pédant « Collectif de Quidams » évoquerait des participants plutôt transparents. Quant aux membres d’un « Collectif de Particuliers » on les imaginerait défendre chacun ses propres intérêts.
Or le Collectif Citoyen est exactement la même chose. Ses membres ne sont pas plus vertueux ou talentueux que s’ils étaient qualifiés d’individus ou de particuliers. Ce sont juste 18 hommes et 17 femmes avant tout quelconques.
Mais ce qualificatif magique de citoyen convoque la figure du révolutionnaire éclairé et bienveillant, il sublime ce groupe. Et ainsi il impose le respect et fait taire les critiques, contre toute logique. Que le gouvernement ait choisi un tel mot pour qualifier cette invention absurde, c’est de bonne guerre. Mais il est incroyable que la presse ait marché dans l’entourloupe et se soit inclinée devant ce mot quasiment sacré au lieu de relever le ridicule du concept.
Car nous nageons bien dans le ridicule. Pourquoi 35 individus pris au hasard apporteraient-ils quelque chose à l’affaire ? N’avons-nous pas des institutions, des élus chargés de les faire fonctionner et des fonctionnaires pour appliquer leurs décisions ? Il faudrait que tous ces gens, sélectionnés et formés à leurs fonctions, soient spécifiquement incompétents pour que 35 personnes tirées au sort se révèlent plus pertinentes.
Au-delà de cette probable absence de compétence chez ces 35, se pose le problème de la légitimité. Il ne suffit pas d’être qualifié de citoyen pour pouvoir légitimement influencer des décisions importantes au niveau national. Des élus sont là pour ça. J’ai pu voter contre eux mais je reconnais leur légitimité, ils sont en responsabilité.
Il est absurde de s’en remettre à 35 passants pour la seule raison qu’ils ont été qualifiés de citoyens. Moi aussi je suis un citoyen et je ne suis pas d’accord.