Dans son numéro du 1er août un hebdomadaire d’information publie un article sur un documentaire consacré à Maradona. Cet article est entaché d’une erreur qui ridiculise son auteur et même au-delà. Par discrétion je ne nommerai ni l’hebdomadaire ni la journaliste qui signe l’article (et en référence à Diego Armando Maradona j’attribuerai à cette malheureuse le pseudonyme d’Armande, tant pis pour elle).
Sous le titre « Le documentaire qu’on attendait sur Maradona », Armande nous vante les mérites du film réalisé par Asif Kapadia. Après une introduction élogieuse voici le deuxième paragraphe :
« Juin 1986, quart de finale de la Coupe du monde : l’Argentine affronte l’Angleterre, quatre ans jour pour jour après la guerre des Malouines. La tension est à son comble. Diego Maradona, 25 ans, opère une remontée d’une rapidité étourdissante depuis le milieu du terrain. Assailli de toutes parts par les Anglais, il garde le ballon au bout du pied, laissant toute l’équipe adverse derrière lui, et il marque. C’est l’inoubliable « main de Dieu », le but du siècle. (…) ».
Ceux qui connaissent l’histoire sont déjà tombés de leur chaise. Pour les autres je résume le déroulement du match. La première mi-temps s’est achevée sur le score de 0 à 0. A la 50 ème minute, sur une attaque des Argentins son coéquipier Jorge Valdano adresse un centre à Maradona. Le ballon est détourné et arrive de façon aérienne près du but anglais. Maradona dispute le ballon au gardien anglais, Shilton, et pour le battre il va boxer le ballon. Il marque ainsi le but de la main. L’arbitre n’a rien vu, il valide le but. 1 à 0 pour l’Argentine.

C’est quelques minutes plus tard qu’a lieu la chevauchée effectivement extraordinaire que décrit Armande. 2 à 0 pour l’Argentine.
L’Angleterre réduira le score en fin de partie par l’intermédiaire de Gary Lineker mais les Argentins l’emporteront par 2 buts à 1. Quelques jours après ils remporteront cette Coupe du Monde.
L’erreur d’arbitrage commise sur le premier but est l’une des plus célèbres de l’histoire du football. Interrogé après le match sur son geste, Maradona n’a évidemment pas entrepris de nier la réalité, qui est évidente sur les images. Choisissant une pirouette il a évoqué « la main de Dieu » (Mano de Dios en espagnol).
Comme le dit Armande, la récente guerre des Malouines conférait à ce match une dimension supplémentaire, au-delà d’une importance sportive déjà réelle (Armande s’emporte toutefois un peu quand elle précise que le match (22 juin 1986) s’est déroulé quatre ans « jour pour jour » après la guerre des Malouines puisque celle-ci a eu lieu du 2 avril au 14 juin 1982).
Le premier but de Maradona est donc un événement qui dépasse le football. Et cette manière qu’a eu le génial footballeur de donner à ce geste de pure tricherie une dimension sinon divine, au moins mystique, a contribué à en perpétuer le souvenir au-delà du monde du football. Beaucoup est dit ici en effet des multiples facettes du personnage, qui font d’ailleurs l’intérêt du documentaire qui lui est consacré.
Maradona a connu les sommets, réalisé ses rêves et suscité une ferveur populaire dévastatrice avant de chuter et de traverser des périodes extrêmement difficiles. Cette « main de Dieu » fait partie de l’ambiguïté du personnage. Pour certains elle est effectivement divine, salvatrice. Pour d’autres c’est un pur scandale, un geste indigne, injustement récompensé par une victoire qui devrait être honteuse.
Toute cette dimension est évidemment absente du récit proposé par Armande. Le récit fautif qu’elle propose dépasse la simple confusion entre deux actions, il passe à côté du mythe de la « main de Dieu ». Non, Armande, la « main de Dieu » ce n’est pas juste un coup de pouce divin auquel Maradona attribuerait la réussite d’une action fabuleuse. C’est beaucoup plus que cela, c’est toute l’ambivalence d’un personnage hors normes. Votre ignorance vous a fait passer à côté de l’essentiel, et tous vos lecteurs avec vous.
Il est tout à fait regrettable que cet article ait été rédigé par une personne qui ignorait cet épisode pourtant fondamental de la vie de Maradona. Il est stupéfiant que cette personne n’ait pas eu la curiosité de taper « Maradona main de Dieu » sur Google. Il est enfin scandaleux que cet article n’ait pas été relu par quelqu’un qui aurait au moins entendu parler de Maradona.