Lors de l’émission Le Grand face-à face, sur France Inter samedi 20/04/2019 à 12h, Natacha Polony a évoqué l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. Elle a alors affirmé : « Viollet le Duc a eu la stupidité de mettre du bois de sapin dans cette flèche, ce qui la rendait beaucoup plus inflammable que le chêne ».
Se posent alors deux questions : y avait-il vraiment du bois de sapin dans la flèche de Notre-Dame ? Et si c’est le cas, était-ce effectivement une stupidité ?
Pour Natacha Polony la première question ne se pose pas, pour elle il est acquis qu’il y avait du sapin dans la charpente de la flèche. Je ne sais pas bien sur quelle source elle appuie sa certitude, tant les sites apparemment sérieux s’accordent pour ne parler que de chêne. Mais j’avoue mon ignorance sur ce point et surtout ce n’est pas cette éventuelle contre-vérité qui me choque le plus ici.
Beaucoup plus remarquable est l’analyse que fait Natacha Polony de ce choix du bois de sapin (une fois qu’on le suppose avéré).
Prenons donc pour acquis que Viollet le Duc ait mis du bois de sapin dans la flèche de Notre-Dame. Certes le sapin est beaucoup plus inflammable que le chêne, et ce choix paraît donc malheureux après l’incendie du 15 avril dernier. Cela nous autorise-t-il à considérer que Viollet le Duc a commis là une stupidité ?
Ignorait-il le caractère plus inflammable du sapin ? Difficile de le croire. Viollet le Duc (1814 – 1879) a consacré une large partie de sa vie à la restauration de monuments médiévaux, dont évidemment Notre-Dame. Il était connu pour suivre les travaux de près avec une très forte présence sur les chantiers parmi les artisans, son savoir technique était reconnu par tous. Ajoutons qu’au XIXe siècle les incendies étaient plus redoutés encore que de nos jours : les moyens alors utilisés pour la chauffage et l’éclairage les rendaient plus fréquents et les moyens de lutte étaient moins efficaces. Nous pouvons donc être certains qu’il connaissait les propriétés face au feu des différents matériaux qu’il utilisait.

La structure de la charpente est très impressionnante.
Surtout quand on sait que Viollet le Duc et ses artisans ont dû la réaliser sans les conseils de Natacha Polony.
Sachant cela, pourquoi a-t-il mis du sapin dans cette flèche ? Par simple stupidité comme le suggère Natacha Polony, ou pouvait-il avoir ses raisons ? Le problème du poids vient évidemment à l’esprit. Cette flèche pesait plusieurs centaines de tonnes, il fallait l’appuyer sur des piliers d’une trentaine de mètres de haut, sa charpente devait enjamber la voute sans la toucher, d’où un enchevêtrement de poutres particulièrement complexe. On pourrait imaginer que l’abondance de bois à utiliser et les contraintes de poids aient pu dicter le choix du sapin (à supposer encore une fois que ce fût bien le cas).
Et puis à vrai dire on peut surtout imaginer que Viollet le Duc avait ses raisons que nous ne connaissons pas. Peut-être même était-ce la seule solution. Je ne sais pas. Ce que je sais c’est que Viollet le Duc n’était pas un fonctionnaire ignorant des techniques, qu’il n’a pas pris cette décision selon des critères de bureaucrate, que sa compétence était reconnue, qu’il a construit ou restauré des dizaines de monuments et de charpentes, qu’il était au sommet de son art lorsqu’il a construit cette flèche, qu’il l’a fait avec les meilleurs ingénieurs et artisans de l’époque et que si certains ont critiqué l’allure qu’il a donnée à cette flèche, personne n’a remis en cause la qualité de sa structure.
Jusqu’à ce que Natacha Polony nous apprenne qu’il était stupide.
De quelles connaissances peut-elle se prévaloir pour cela ? Quel est son passé dans le bâtiment ? Quelle est son expérience de charpentier ? Et dernière question : comment ose-t-elle juger ainsi le travail d’un des plus grands spécialistes en la matière ?
Elle l’ose tout simplement parce que c’est son métier, ou du moins la vision qu’elle s’en fait et qui est très largement partagée. Cette vision est que les journalistes ne peuvent pas se contenter des faits, ils doivent les analyser en direct et s’il faut pour cela s’autoproclamer spécialiste de ceci ou de cela ils sont prêts à faire cette violence à leur modestie.
Ainsi chaque décision politique offre à des armées de journalistes l’occasion de donner des leçons aux responsables, leçons de politique, d’économie ou de communication pour les plus fréquentes (les leçons de maintien de l’ordre sont apparues récemment à la faveur des manifestations des « gilets jaunes »).
A force de juger impunément et sans retenue tel ou tel décisionnaire, Natacha Polony a considéré que c’était une pratique amusante et valorisante. Le malheureux Viollet le Duc en a fait les frais. Espérons que devant le grotesque de ce jugement Natacha Polony s’apercevra qu’elle est allée trop loin et qu’elle en tirera leçon.
NP pourquoi ne pourrait elle pas dire que Violet le duc était stupide ?
si l’info comme quoi la flèche était en bois résineux, pas besoin être
spéc., elle a tout à fait raison surtout qu’à l’époque tout le monde savait allumer une cheminé…et pour démarrer un feu rapidement, même sous la neige….du résineux et après du bois à combustion lente…chêne etc…
a +
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C’est justement parce que tout le monde sait (et savait surtout à l’époque comme vous le dites) que le bois de sapin est très inflammable que je suppose que Viollet le Duc le savait. Et comme il connaissait son métier, la conclusion est qu’il avait sans doute ses raisons.
En disant qu’il est stupide NP n’envisage même pas qu’il puisse avoir ses raisons, et elle fait ça pour la seule raison qu’elle ne connait pas ces raisons. Elle ignore pourquoi il a fait ça, et au lieu de s’interroger, d’enquêter, de se renseigner, elle va directement au plus simple : elle le prend pour un con. Tout simplement.
Je suis désolé mais c’est inadmissible.
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