L’écriture inclusive se fixe pour objectif « d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes » et ainsi de « faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes » (je cite ici le site http://www.ecriture-inclusive.fr). Or cette pratique porte en elle une contradiction dont on parle peu.
Pour nos amis lecteurs qui l’ignorent encore, l’un des principaux aspects de cette nouvelle manière d’écrire est le « point milieu ». Il consiste à donner d’un mot représentant un groupe de gens non plus sa seule version masculine (« amis ») mais une présentation qui cumule le masculin et le féminin (« ami.e.s »). Certains vont jusqu’à proposer un usage plus général de cette pratique en remplaçant « lecteurs » par « lecteur.rice.s ».
Une autre facette de ce projet concerne les noms de métiers ou de fonctions, avec l’utilisation systématique des versions féminines quand elles existent (présidente, directrice) et la féminisations des noms qui n’existent actuellement qu’au masculin, en « préfète » ou « chancelière » par exemple.
Les critiques les plus courantes portent sur ce « point milieu », qui alourdit le texte écrit et rend surtout sa prononciation impossible. Comment faire passer à l’oral ce « ami.e.s » autrement qu’avec un « ami eu esse», qui ferait comprendre « amies » ? Or une langue qui ne se parle pas n’est plus une langue.
Cette critique est justifiée mais elle ne résistera pas à l’inventivité de nos hommes politiques. Après le très gaullien « Françaises, français » ils ont pris l’habitude de s’adresser à « Toutes les électrices et tous les électeurs ». Ils trouveront sûrement un moyen efficace de parler des « électeur.rice.s », et même de les dire « exigeant.e.s » (Ségolène Royal a déjà fait mieux avec son fameux « Toutes celles et ceux » qui est passé dans le langage médiatique malgré son absurdité intrinsèque).

L’autre pilier principal de l’écriture inclusive, la féminisation des noms de métiers ou de fonctions, est moins souvent critiqué mais il est tout aussi discutable.
Le principal argument qui peut lui être opposé consiste à noter qu’une personne est de sexe féminin ou masculin sans rapport avec le genre du mot qui désigne son métier ou sa fonction. Pour le dire simplement, Naomi Campbell est UN mannequin. Or il s’agit d’une femme, dont la féminité est éclatante. Johnny Halliday est UNE vedette. Or c’est un homme, à la virilité affirmée.

L’histoire de notre langue, indissociable de l’histoire de notre pays et de notre civilisation, a abouti à ce résultat que de nombreux métiers parmi les plus prestigieux, sont nommés au masculin. Et alors ? Qu’une femme remporte l’élection présidentielle, elle ne perdra rien de sa féminité en se faisant nommer « Madame le Président », formule qui distingue le genre de la personne « Madame » de celui du mot qui désigne sa fonction « le Président ».
Malheureusement cet argument se place à un niveau presque philosophique. Sa portée s’en trouve limitée et il n’a donc pas empêché les féminisations les plus discutables de fleurir un peu partout.
Mais le véritable obstacle qui devrait s’opposer à ce projet se trouve dans les contradictions idéologiques de ceux-là même qui veulent imposer l’écriture inclusive. Ils veulent des toilettes « neutres », disent respecter les transgenres et pourtant ils obligeront ces derniers à choisir entre femme et homme, en se disant présidente ou président.
Un nom de fonction identique pour tous, comme président, doit évidemment être vu comme neutre et non pas comme masculin. Il dispense donc chacun de se prononcer sur son genre. L’écriture inclusive abolirait ce maigre espace de liberté entre femmes et hommes en obligeant chacun à se ranger dans une catégorie figée.
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