Le festival de Cannes est l’occasion de croiser ici ou là le mot « scenarii », utilisé comme pluriel de « scénario ». A la fois fautif et prétentieux, ce vocable mérite qu’on lui règle son sort.
Reconnaissons que les cinéphiles ne sont pas les seuls coupables de cette pratique. D’autres secteurs sont aussi touchés et on ne compte plus les publications présentant par exemple différents « scenarii » économiques ou politiques. Jusqu’à l’Académie de Paris, qui devrait pourtant avoir pour ambition d’enseigner le Français à nos enfants.

Cela a sans doute un rapport avec le fait d’apprendre à lire et à écrire.
Mais pour l’Académie de Paris cela n’inclut visiblement pas le respect de l’orthographe « Académique ».
Pourquoi donc prendre la peine de dire « scenarii » au lieu du simple « scénarios » ?
A l’évidence il s’agit pour ces dandys de faire état de leur culture et de leur maîtrise des langues. Ils veulent montrer qu’ils connaissent l’origine italienne de ce mot et qu’ils savent aussi quelle est la marque du pluriel en Italien. Trop forts.
Or ce faisant ils méconnaissent un des usages essentiels de la langue française, rappelé par l’Académie Française sur son site (que je vous recommande), et qui veut que « les noms ou adjectifs empruntés à une langue étrangère ont un singulier et un pluriel réguliers». On dit donc « un scénario, des scénarios », comme on dit « un crétin, des crétins ».
D’ailleurs nos adeptes des « scenarii » n’utilisent ce pluriel original que pour le mot scénario mais ils s’abstiennent de le faire pour un nombre considérable de mots dont l’origine étrangère est pourtant tout aussi avérée.
Ils n’auront ainsi aucun problème à manger des kebabs tout en évoquant les méfaits des talibans, le mode de vie des touaregs ou les splendeurs des kakémonos. Ils devinent sans doute l’origine étrangère de ces mots, mais leur ignorance de la marque du pluriel en Turc en Arabe ou en Japonais limite leurs prouesses linguistiques au pauvre « scenarii ».
Ajoutons que ces prétentieux ignorent le caractère italien de mots que le Français a pourtant adoptés plus récemment que scénario. Ainsi par exemple de « dilettante », que nos amis n’envisageraient pas de mettre au pluriel sous la forme « dilettanti ».
Autrement dit en prétendant se montrer plus malins que les autres avec leurs « scenarii » ils tombent dans l’erreur et le barbarisme tout en exprimant leur ignorance. Reconnaissons-leur au moins le mérite de proposer ainsi une illustration parfaite du mot « cuistre ».
Excellent article, très bien écrit, et qui remet certaines choses à leur place ! Dommage que, pour d’autres raisons, ce soit l’Express qui le publie…
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