Dans la lettre que François Hollande a écrite aux représentants de la magistrature suite à ses propos repris dans le livre « Un président ne devrait pas dire ça », figure un passage qui pose une intéressante question de grammaire.

Il se trouve dans ce paragraphe :

« Vous avez exprimé, au nom de l’institution judiciaire, votre vive émotion à la suite de propos publiés dans un livre. Ils sont sans rapport avec la réalité de ma pensée comme avec la ligne de conduite et d’action que je me suis fixé comme Président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. »

Aurait-il fallu écrire « que je me suis fixée » et non pas « que je me suis fixé » ? Voilà la question que nous nous sommes posée (posée, posé ou posés ?).

Sur ce blog nous nous sommes proposé (proposé ou proposés ?) de nous intéresser aux mots utilisés par nos hommes politiques. Or en lisant cette lettre nous nous sommes aperçu (aperçus ?) de ce passage qui pouvait faire réfléchir car nous nous sommes vite rendu compte (rendus compte ?) que la question n’était pas simple.

Nous nous sommes longtemps parlé (parlés ?), nous nous sommes presque disputés (disputé ?) car de nombreux arguments contradictoires se sont succédé (succédés ?). Nous nous sommes parfois adressé (adressés ?) l’un à l’autre avec virulence mais nous nous sommes surtout ingéniés (ingénié ?) à débattre utilement. Et une fois surmonté (surmontées ?) les contradictions que nous avions senti (senties ?) se dresser entre nous, nous nous sommes finalement persuadés (persuadé ?) qu’il fallait bien écrire « fixée ».

La fameuse lettre
La fameuse lettre

Cet accord n’est pas évident (sinon l’erreur n’aurait pas été commise) mais il se comprend pourtant assez bien. La présence de l’auxiliaire « être » dans « je me suis fixé » semble induire l’accord avec le sujet, masculin, donc « fixé ». Mais « être » n’est en fait ici qu’un substitut à « avoir ». On dirait en effet « La ligne de conduite que j’ai fixée au gouvernement ». Ou « La ligne de conduite que le Président m’a fixée ». L’auxiliaire « avoir » est évident lorsque la personne qui fixe la ligne de conduite est différente de celle à qui cette ligne est fixée. Le problème apparaît lorsque ces deux personnes sont confondues puisque la tournure « La ligne de conduite que je m’ai fixée » est alors remplacée par « La ligne de conduite que je me suis fixée ».

L’auxiliaire « être » n’étant ici que le substitut de « avoir », l’accord doit se faire comme en présence de l’auxiliaire « avoir ». Il aurait donc fallu écrire « La ligne de conduite que je me suis fixée ».

Reconnaissons que l’accord du participe passé dans le cas d’une tournure pronominale, comme ici, est peu intuitif. Les nombreux exemples proposés ci-dessus montrent bien la diversité des situations et la difficulté d’y répondre avec certitude.

Nous ne joignons donc pas notre voix à ceux qui parlent d’une faute grossière et inexcusable. Toujours bienveillants nous préférons y voir le signe d’une lettre écrite dans un élan de spontanéité et loin de l’équipe rédactionnelle et de ses correcteurs professionnels.

2 commentaires sur « François Hollande roi de la synthèse mais non pas de l’accord (du participe passé) »

  1. Juste deux remarques que voici:
    a) En effet, il eût fallu que Monsieur le Président écrivît :  » fixée » pour l’accorder avec  » ligne »; mais avouons que c’est fendre le cheveu en quatre au vu de l’immense écueil que représente l’accord du participe passé dans la langue française. Qui oserait se prévaloir d’une totale maîtrise de ce monstre syntaxique au point de railler ou de s’offusquer contre des crimes es règles grammaticales?
    b) Mais a contrario je n’adhère pas du tout, et loin s’en faudrait, à l’assertion que c’est  » un peu intuitif  » quand il s’agit de l’accord du participe passé dans la voix pronominale. Les règles existent. Et on ne peut nier ces règles, même si l’usage les contredit pour ouvrir la voie aux règles de demain.

    b)

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    1. Merci Mohamed pour votre commentaire.

      Je pense que nous sommes du même avis puisque j’ai bien précisé que je n’étais pas révolté par cette faute, bien excusable. Ne jugeons pas. Nul n’est infaillible. Tout le monde peut se tromper. Moi-même cela pourrait bien m’arriver un jour.

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