France 5 propose un documentaire en trois épisodes intitule “Israël-Palestine, l’impossible coexistence ?”.

Impossible de faire une synthèse critique des trois heures de cette série documentaire écrite par Charles Enderlin. Heureusement Trance TV propose quelques lignes de présentation pour chaque épisode. Ces présentations sont brèves mais riches de sens. Rien de ce qui est dit n’est faux, mais tout est fait pour véhiculer un message simple : les Israéliens sont responsables de tous les malheurs, de toutes les violences. Les Palestiniens ne sont responsables de rien, d’aucun méfait, d’aucune erreur. Jamais on ne suggère qu’ils auraient pu agir autrement qu’ils ne l’ont fait. Tout est la faute des Juifs, jusqu’aux massacres commis par les Palestiniens.

Il s’agit d’une forme de propagande insidieuse et très efficace : nous n’avons pas affaire à un de ces discours de haine qui s’affichent désormais publiquement et dont les intentions malfaisantes sont claires. On nous présente au contraire un documentaire qui se prétend objectif et équilibré, mais qui véhicule de manière assez discrète des propos profondément anti-israéliens.

Voici la présentation du premier épisode :

« Au commencement » (épisode 1) analyse les erreurs stratégiques commises des deux côtés en remontant aux racines du conflit au Proche-Orient. De la naissance de l’État proclamé par David Ben Gourion à la guerre des Six Jours et à l’occupation des territoires palestiniens, jusqu’à l’arrivée de Yasser Arafat à la tête de l’OLP et sa décision de négocier avec Israël. Et la lutte sans merci qui s’ensuit entre intégristes religieux des deux camps pour détruire le processus de paix d’Oslo par le meurtre et le terrorisme.

Malgré l’objectivité annoncée dans la première phrase (« … des deux côtés … ») l’asymétrie est profonde entre ce qui est dit des deux camps. D’un côté on voit les Israéliens proclamer un état (sans aucune légitimité apparente) puis occuper des territoires palestiniens (formulation courante mais en fait tendancieuse). De l’autre côté Arafat est présenté comme celui qui lance les négociations avec Israël.

Sans être beaucoup plus long on aurait pu dire que l’ONU a voté le partage de ce territoire entre un état juif et un état arabe, que les juifs ont accepté ce partage, que les arabes l’ont refusé, et que ce refus est à l’origine du conflit. On pourrait ajouter que la Guerre des Six Jours a été voulue par les ennemis d’Israël. On pourrait aussi préciser qu’Arafat a accepté de négocier après avoir pratiqué le terrorisme pendant de longues années. Rien de tout cela. Le discours est simple : les Israéliens sont des expansionnistes, Arafat négocie. Point.

On donne ensuite le même poids aux intégristes religieux des deux camps alors que les terroristes du Hamad et du Djihad islamique avec leur kyrielle d’attentats n’ont pas d’équivalent côté israélien.

Présentation du deuxième épisode :

« Paix ou guerre » (épisode 2) relate les campagnes menées par les ennemis de la paix contre les accords d’Oslo, des attentats suicides du Hamas au massacre du caveau des Patriarches par un terroriste juif et à l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin par un sioniste religieux. Jusqu’aux échecs enfin de Benjamin Netanyahou et d’Ehoud Barak qui n’ont pas pu – ou voulu – relancer le processus de paix et ont ainsi provoqué le second soulèvement palestinien.

On ne donne même plus le même poids aux intégristes religieux des deux camps, dans ces quelques lignes ce sont les Israéliens qui incarnent le plus clairement le terrorisme. Le choix des mots est crucial ici. Pour les Hamas on parle d’attentats suicides (et indiscutablement le mot « suicide » atténue la charge criminelle de l’attentat). Les mots « massacre » et « terroriste » sont réservés aux Israéliens. Ou plutôt à un Israélien, puisque cet unique « massacre » est mis en face de la quinzaine d’« attentats suicides » (une quinzaine si on se restreint à la courte période qui est évoquée). Et naturellement, la culpabilité israélienne est renforcée avec l’assassinat de Rabin par un « sioniste religieux ».

Ce mot de « sioniste » mérite quelques commentaires. 

Rappelons que le sionisme est un mouvement qui s’est développé à la fin du XIXe siècle avec pour objectif l’implantation d’un foyer de peuplement juif sur cette région de l’Empire Ottoman que l’on appelait alors la Palestine. Le mot « sioniste » désignait ceux qui adhéraient à ce mouvement. Une fois créé l’Etat d’Israël, on peut considérer soit que les mots « sionisme » et « sioniste » sont devenus caducs (leur but a été atteint), soit que leur sens a évolué et qu’il s’agit désormais d’assurer la pérennité de l’Etat d’Israël. En ce sens, l’écrasante majorité des juifs israéliens sont naturellement sionistes. Et c’était bien évidemment le cas de Rabin par exemple.

Avec cette définition simplement logique du mot « sioniste », il est absurde de qualifier de « sioniste religieux » l’assassin de Rabin (ou alors pourquoi ne pas dire « un sioniste religieux assassine le sioniste Rabin » ?).

Pourquoi alors utiliser ce mot ici ?

Simplement pour alimenter la charge négative qui pèse sur cette notion de sionisme. L’alimenter puis s’en servir ensuite pour critiquer les juifs sans être accusé d’antisémitisme. Comme Staline qualifiait de sionistes les juifs qu’il voulait éliminer. Et comme aujourd’hui l’antisionisme sert de paravent à l’antisémitisme. Tout cela mériterait des développements qui dépassent le cadre de ce billet. Contentons-nous de souligner que ce mot est absurde dans ce contexte, qu’il n’est pas là par hasard et que sa présence relève d’une intention clairement hostile au sionisme donc à Israël.

Revenons au résumé de l’épisode 2 pour constater qu’à l’origine de l’échec du processus de paix on ne trouve que les Israéliens (Benjamin Netanyahou et Ehoud Barak). Les Palestiniens n’y sont apparemment pour rien. Quant au second soulèvement palestinien, les Palestiniens n’y sont pour rien non plus. On nous explique très simplement que ce sont les Israéliens qui l’ont provoqué. Les Palestiniens ne sont responsables de rien, d’aucun échec, d’aucune violence. Tout est de la faute des Juifs, même les violences commises par les Palestiniens.

Présentation du troisième épisode :

« La descente aux enfers » (épisode 3) dévoile comment le retrait de Gaza, décidé par Ariel Sharon en 2005, était en fait destiné à livrer ce territoire au Hamas et ainsi empêcher la création d’un État palestinien. Benjamin Netanyahou a poursuivi et intensifié cette politique pendant quatorze ans, permettant le financement du Hamas à hauteur de milliards d’euros. Les services de renseignements, aveugles face au fondamentalisme du Hamas, se sont convaincus que celui-ci se concentrait sur des mesures économiques et sociales pour renforcer sa popularité et délaissait les opérations militaires. Ils se sont lourdement trompés.

Tout est de la faute des Juifs encore et toujours. Même évidemment les massacres commis par le Hamas puisque le Hamas lui-même est la faute des Juifs. Là encore des mots apparemment anodins sont lourds de sens.

Ainsi du mot « livrer » puisqu’on nous dit que Sharon voulait « livrer ce territoire au Hamas ». Tel Neptune livrant Ulysse à la tempête. Mais on ne peut pas présenter les Gazaouis comme des victimes impuissantes face au fléau nommé « Hamas ». Quant au Hamas ce n’est pas un phénomène naturel. Ce sont des hommes (il y a peu de femmes), ce sont des terroristes, ce sont des islamistes, ce sont des Palestiniens.

Rappelons les faits. Après le retrait israélien de Gaza en 2005, une fois les Palestiniens de Gaza responsables donc de leur sort, ils ont voté pour le Hamas contre le Fatah, puis les Palestiniens du Hamas et les Palestiniens du Fatah se sont entretués pour le pouvoir, les Palestiniens du Hamas l’ont emporté, ils ont massacré ce qui restait des Palestiniens du Fatah et depuis ils règnent sur l’ensemble des Palestiniens de Gaza.

Certes Israël a joué un rôle dans les événements mais il est inacceptable d’exonérer les Palestiniens de toute responsabilité, dans la montée en puissance du Hamas et dans les massacres qu’il a commis.

On reproche ensuite à Nétanyahou d’avoir permis le financement du Hamas. Ce reproche relève d’une double duplicité. D’abord, s’il avait empêché ce financement, on lui aurait évidemment reproché d’étrangler la population de Gaza. Ensuite comment peut-on critiquer celui qui permet le financement sans même nommer celui qui finance ? On pourrait au moins nommer le Qatar. On ne le fait pas. Seuls les Juifs sont responsables. Une fois de plus je ne nie pas que les Israéliens ont leur part de responsabilités, mais je veux souligner que l’on nous répète que c’est leur faute, sans même suggérer que d’autres aussi sont responsables de ce qui se passe. Celui qui vote pour le Hamas, celui qui le finance et enfin le terroriste du Hamas qui massacre, tous ceux-là sont responsables de leurs actes.

A lire ces trois résumés, les Palestiniens n’ont aucune responsabilité d’aucune sorte. Jamais on ne suggère qu’ils auraient pu faire autrement que ce qu’ils ont fait. Ils ne sont responsables de rien. Jamais. Les Israéliens sont responsables de tous les malheurs. Toujours. Voilà ce que nous invite à croire ce « vaste récit exceptionnellement documenté ».

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