Les humoristes de France Inter ont poussé la pratique du ricanement à son paroxysme. Ils fabriquent eux-mêmes les propos dont ils vont pouvoir se moquer, afin de ridiculiser des idées qui ne leur reviennent pas.
Ricaner, c’est se moquer et c’est surtout affirmer sa supériorité sur son adversaire. C’est d’autant plus facile qu’on est en groupe (tout le studio rit en chœur de chaque pique lancée), et que l’adversaire est absent.
Mais il faut tout de même faire l’effort de trouver dans ce qu’a pu dire la victime quelque chose de visiblement stupide ou critiquable. Cela nécessite un peu de travail, il faut effectuer un minimum de recherche et faire preuve d’esprit critique.
Heureusement ils ont trouvé un moyen de rendre les choses plus faciles. Les rediffusions de l’été m’ont permis de le découvrir, en me donnant à entendre des chroniques de Guillaume Meurice. Le principe est le suivant : il va interroger des gens sur un sujet plus ou moins polémique, leur faire dire des bêtises et en ricaner.
En choisissant bien la personne interrogée, en jouant avec elle puis en sélectionnant les réponses qu’il va passer à l’antenne, il fabrique ainsi lui-même les propos dont il va pouvoir se moquer. En se moquant de ses propos il tourne en ridicule la personne qui les a tenus, mais aussi la position qu’elle défend. C’est évidemment l’objectif.
Ces derniers jours il a pu se moquer à peu de frais des éleveurs qui sont contre la viande végétale, des Républicains qui sont pour l’uniforme à l’école ou des bourgeois (c’est ainsi qu’il les présente) qui sont favorables à la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre.
Le rendu à l’antenne est passionnant. Dès les premiers mots de la personne interrogée on comprend qu’elle n’est pas parfaitement éclairée et en deux ou trois questions Guillaume Meurice l’amène à dire une bêtise. Et le studio entier de s’esclaffer. Ainsi il ridiculise ceux qui ne pensent pas comme lui, qu’ils soient opposés à la viande végétale ou favorables à l’uniforme à l’école.
C’est un procédé lamentable. La personne interrogée est manipulée, ses propos sont sélectionnés avant d’être livrés aux ricanements et elle n’est évidemment pas là pour se défendre.
Nous avons déjà dit à quel point le micro-trottoir, au-delà d’être le niveau zéro du journalisme, représentait une forme de manipulation. Nous en avons là une version sublimée. Pour démontrer (sans le dire évidemment) que telle cause est mauvaise, on va en trouver un défenseur malhabile et l’amener à se ridiculise. Notons que Guillaume Meurice a peut-être interrogé plusieurs interlocuteurs brillants qui lui ont cloué le bec avant de tomber sur le malheureux qu’il va passer à l’antenne. Nous ne pouvons pas le savoir.
Tout cela est de la pure manipulation et sous couvert d’humour c’est une véritable propagande qui est à l’œuvre.