Les promoteurs de l’écriture inclusive ont détourné un vers de Racine pour faire croire qu’il adhérait à leurs principes. Et aucun des nombreux sites qui ont relayé cet argument n’a relevé la manipulation.
Dans le but « d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes » l’un des principaux objectifs de l’écriture inclusive est de faire disparaître la règle suivant laquelle un adjectif au pluriel doit s’écrire au masculin dès qu’un seul des noms qu’il qualifie est masculin (« ce garçon et ses douze sœurs sont beaux »).
Principe souvent exprimé par cette phrase synthétique mais certes malencontreuse : « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Pour argumenter contre cette règle, Eliane Viennot a invoqué Racine dans une interview accordée au journal Le Point et qui a été abondamment reprise sur internet.
Son propos est exactement le suivant :
« Je veux par exemple réhabiliter l’accord de proximité, hérité du latin. Dans Athalie, Racine écrit : « Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle. » Si l’on en croit nos bons académiciens qui veulent que le masculin l’emporte sur le féminin, nous aurions dû écrire « nouveaux ». »
Vous avez bien lu, l’article du Point est clair et le texte d’Athalie le confirme, « nouvelle » est au singulier.

Uniquement si l’on confond pluriel et singulier.
Autrement dit Racine n’est pas en train de contredire cette fameuse règle, qui ne concerne que le pluriel des adjectifs. Il choisit de qualifier de « nouvelle » la seule foi et non pas également le courage. Avec ce « nouvelle » au singulier cette phrase n’a donc rien à faire dans ce débat sur l’accord en genre des adjectifs au pluriel.
Eliane Viennot, qui est professeuse (je respecte ici la manière dont elle-même se qualifie) émérite de littérature française de la Renaissance, récupère ainsi odieusement Racine pour une cause qu’il a toujours ignorée. C’est un comportement tout simplement inacceptable et indigne d’un débat qui veut porter sur notre langage et notre culture.
Notons également, pour la regretter, l’absence totale de réaction des nombreux sites qui ont relayé ces propos. Aucun n’a relevé cette absurdité, que le féminin d’un adjectif au singulier ne pouvait pas plaider pour une règle qui s’applique aux adjectifs au pluriel. De nombreux medias continuent donc à diffuser cette idée mensongère que Racine serait un partisan (et même un pratiquant) de l’écriture inclusive.
Nous n’avons pas caché notre hostilité aux principes de l’écriture inclusive. A lui seul cet argument, qui détourne un vers du grand Racine, devrait discréditer sa principale promotrice.
Vous faites un contresens pour prouver votre point…
Racine ne peut pas respecter la règle d’accord neutre qui donnerait « nouveaux » et lui flinguerait sa rime… Il ruse donc en qualifiant seulement la foi. Mais dans le sens du texte, il est évident que le courage aussi est nouveau…
Et Racine a beau jeu de se cacher derrière la règle d’accord latine derrière pour justifier son astuce 🙂
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Cher Pifpouf,
merci beaucoup pour votre commentaire.
Je suis entièrement d’accord avec vous, Racine a pris quelques libertés avec la grammaire pour soigner l’harmonie de son texte.
Et c’est pour ça que nous l’aimons.
Je vais même plus loin que vous : le pluriel « nouveaux » n’aurait pas seulement nui à la rime, il aurait surtout été très laid.
Imaginez le vers écrit ainsi :
« Armez-vous d’un courage et d’une foi nouveaux »
Certes il ne rime plus avec
« Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle »
mais il est surtout très vilain.
Donc oui, tout cela est le fruit de ce que vous appelez une « astuce ».
Mais vous serez d’accord avec moi pour confirmer que nous sommes très loin de l’écriture inclusive.
A bientôt de vous lire.
MAL
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Merci pour cet article !
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Bonjour, est-il possible d’avoir les vers qui entourent la citation: » Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle. », je ne les ai pas trouvés .
Il est vrai que la phrase » armez-vous d’un courage » , sans la suite , est assez bizarre ..
Quoiqu’il en soit, devoir écrire en écriture inclusive nous ferait perdre un temps et une énergie fou-folle. MAC 37
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Bonjour MAC37.
Voici donc un passage d’Athalie qui vous éclairera :
JOAS (courant dans les bras du grand-prêtre)
Mon père !
JOAD
Eh bien, mon fils ?
JOAS
Qu’est-ce donc qu’on prépare ?
JOAD
Il est juste, mon fils, que je vous le déclare :
Il faut que vous soyez instruit, même avant tous,
Des grands desseins de Dieu sur son peuple et sur vous.
Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle :
Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle
Qu’au fond de votre cœur mes soins ont cultivés,
Et de payer à Dieu ce que vous lui devez.
Sentez-vous cette noble et généreuse envie ?
JOAS
Je me sens prêt, s’il veut, de lui donner ma vie.
Merci pour votre commentaire et votre contribution fort instructif.ve.s
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